CONCOURS D’ÉCRITURE LE SON DU DESIR
La personne gagnante sera lue dans notre podcast Le Son du Désir https://anchor.fm/lesondudesir et on mettra son compte Instagram ou son site à l'honneur sur nos différents réseaux !

Lettre 1 :
ELLE


"Je suis assise à la table à côté de vous, je n'oserais pas venir vous parler, même si votre sourire ést troublant.
J'imagine votre voix, je peux sentir votre parfum, si je vous ai souri c'est parce que je fais toujours ça, quand je suis mal à l'aise.
J'ai eu un peu peur que vous puissiez lire dans mes yeux les pensées qui ont traversé mon esprit .
Vos mains m'ont semblé chaudes, elles étaient si solides, tenant cette petite tasse blanche, votre bouche si délicate, vos lèvres sur le rebord de la tasse, j'ai eu envie de sentir cette douce chaleur , l'amertume du café, le sucre ...puis vous avez soupiré à la lecture d'un SMS.
Peut être une rupture, un rendez vous manqué...j'ai espéré encore entendre votre voix, grave , vibrante et envoûtante qui sait.
Je me suis enfuie, car la fuite n'est pas une fin... J'aurais pu commettre l'erreur de vous laisser mon numéro de téléphone.
Merci d'avoir nourri mon imagination.
Au revoir
Une prudente contemplative
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LETTRE 2
LUI
.

Chère amie, sachez que vos mots me sont désormais connus. Ils sont là, silencieux et alignés sur cette feuille dépliée, ils semblent me regarder à la façon d’enfants espiègles et complices. Ils savent de vous tout ce que j’ignore.
Il y a une heure, le tenancier des Deux Magots a fait glisser vers moi cette lettre - votre lettre -, m’indiquant d’un regard son expéditrice. Vous étiez assise derrière un pan de mur qui cachait votre corps mais m’en laissait voir le bout. Votre main délicate tenait un bouquin dont elle masquait le titre, votre autre main, semblait serrer la partie restante à lire comme si ç’eut été là la plus précieuse des choses. Celle-ci, soudain, s’est élevée et a disparu derrière la cloison avant de revenir tourner une page. J’ai aussitôt imaginé ce que mes yeux avaient manqué : l’index porté à la bouche, effleurant une lèvre à peine humide pour mieux accrocher le papier, courber le blanc jusqu’à ce que la page cède et se tourne. La lecture est un acte érotique, non ?
Lorsque vous avez porté la tasse de thé à votre invisible visage, la couverture a parlé : « La vie est ailleurs » de Kundera. Ce titre a résonné étrangement avec la singularité de ce moment.
Troublé, je me suis tourné vers le bar, j’ai déplié la lettre. Alors m’est apparu, limpide et intimidante, votre souhait de me connaitre, suivi d’une adresse mail sibylline.
J’ai caressé le recueil d’Anna de Noailles qui m’accompagnait. Cette poétesse aurait probablement été capable d’une approche aussi audacieuse que la vôtre.
Alors, ma chère amie, sachez que je serai, demain et chaque soir, aux Deux Magots à 18h. Armé de mon honnêteté et d’un recueil de poésie.
.

LETTRE 3
LUI

Mademoiselle (enfin… il me semble… pardonnez-moi ce mot : je suis vieux jeu)
Ce mail sera sans doute le dernier que vous recevrez de moi. Ça me fait bizarre de vous écrire cela : notre histoire quasi inexistante m’a déjà étreint si fort que je ne peux feindre l’indifference. Peut-être l’adresse mail n’était-elle pas bonne, peut-être mon message précédent vous a-t-il choqué… peut-être même êtes-vous venue alors que je vous attendais ? avant que je ne vous reconnaisse, vous auriez tourné les talons, déçue de me découvrir une seconde fois… si c’était cela, je préférerais ne jamais avoir de réponse. Parfois l’ignorance est gage de sérénité.

Si toutefois je puis vous convaincre, du-moins, essayer, de m’accorder un rendez-vous, lisez ceci, je vous en prie :

J’aurais aimé vous retrouver à mi-chemin entre la rive droite et la rive gauche de notre ville sur le pont le plus proche de chez vous, un soir de semaine, pas trop tard, bien avant que le soleil ne se couche. Vous auriez été invitée à vous asseoir sur un coin de nappe, face au soleil dans son heure la plus dorée. Comme je vous aurais trouvée belle, une coupe à la main, portant le cristal à vos lèvres, m’écoutant bonimenter pour tenter de vous retenir le plus longtemps près de moi…

Quelquefois j’ai éprouvé ce sentiment précieux d’être happé par le tourbillon de la vie, vous savez comme dans la chanson. « On s’est connu, on s’est reconnu, on s’est perdu de vue, on s’est reperdu de vue ». Cette impression, je la ressens. Comme si nous en étions à la deuxième étape. Mais puisque la chanson c’est aussi « quand on s'est reconnu, Pourquoi se perdre de vue? » je vous laisse vous poser la question, et répondre à mon invitation.

À vous

X
.
Lettre 4
ELLE :

Cher ami,

Pardon de ne pas  être venue vous rencontrer.  Oui, j’ai bien reçu vos deux  mails et oui,  chaque soir de cette semaine j’ai hésité à venir vous rejoindre ou à vous écrire. Pourtant, je dois vous  avouer une chose , cette lettre, laissée par moi,  était  une folie..

Je suis mariée et plutôt bien mariée, du moins suffisamment mariée, aimée,  désirée pour rendre injustifiable de me jeter à la tête du premier inconnu.  Et pourtant n'est ce pas ce que j'ai fait  dans la plus pure tradition des héroïnes romanesques que j’affectionne ?
Ma ressemblance avec elles pourtant s’arrêtera là. Je n'rai  donc pas à votre rendez-vous dont la description, idéalisée,  m'a fait évidemment  rêvée comme l'avait déjà fait  votre premier mail.
Vos mots, comme,  d'un coup d'épaule  me bousculent dans ma vie sage, me touchent  au sens physique du terme  : en les lisant ma bouche s'assèche , ma peau s'affole comme sous la caresse de vos doigts...Alors ne nous voyons pas, voulez vous ? Nous aurions trop à y perdre..
Cependant..  pourquoi   tout  en renonçant à un potentiel rapprochement charnel ne conserverions-nous pas  un lien épistolaire ? Transformant une éphémère rencontre  en une relation que le temps  sublime au lieu d'abîmer , qui dans son inaccomplissement  protège  tous ses possibles, enfante une liaison dangereuse, déraisonnable, creuset de toutes les chimères mais où, pour une fois,  l'absence n'aurait  pas tort, préservant tous les protagonistes d'être des dupes ..
Troublez moi encore davantage , devenez le conteur avec lequel je m'endormirai chaque nuit  en répétant ses mots comme ceux d' une prière païenne.

Pour vous ce défi  : séduisez une femme qui vous plaise ,qui pourrait me ressembler un peu, proposez lui le rendez-vous  qui n’aura pas lieu entre nous et  faites en la conquête . Ensuite racontez moi. Je crois que je prendrai autant de plaisir à lire cette situation qu'à la vivre. Soyez le scénariste de mon fantasme, son réalisateur, son acteur . Soyez au service de mon appétit sensuel , dites moi tout , ne soyez pas avare en détails . Que votre voix portée par votre lexie me pénètre toute entière, que je sente votre main dans mes cheveux , votre souffle sur ma bouche   Faites moi regretter de ne pas être à la place de celle  que vous aurez séduite .
Faites-moi l’amour par procuration.
.

LETTRE 5 
LUI :

Chère Inconnue, j’ai fait comme vous l’avez désiré.

Le sentiment qui m’est venu à l’esprit en découvrant votre défi était celui de pouvoir vous nommer … Merteuil évidemment. Vous avez fait de moi votre Valmont et comme le Vicomte, je ne sais pas si j’ai accepté la mission par orgueil ou par espoir de gagner une rencontre. 

Je ne voulais pas m’en remettre à une application. Trop facile de se « capter sur internet » et puis, j’ai voulu relancer les dés : je me suis assis à cette table d’où je vous ai aperçue la première fois, espérant sans doute faire de vous ce fameux « coup d’un soir ». 

A votre place, c’est une femme solaire qui a accroché mon regard. Une séductrice dans la bonne humeur, ronde et sensuelle, posant sur toute chose un regard érotique, chargé de plaisir et d’énergie. Je n’ai pas eu grand-chose à faire. A l’instant même où ses yeux ont plongé dans les miens, j’ai baissé les armes, je me suis laissé entrainer vers l’appartement de cette ogresse magnifique. 

A peine la porte fermée, la robe sous laquelle roulaient ses formes est tombée et j’ai plongé dans une apnée sensorielle. Je me suis laissé engloutir et pourtant chaque baiser, chaque frôlement, chaque possession amenait la même question : et si c’étaient vos mains, vos seins, votre langue, vos cuisses ? Ma compagne n’était pas Cécile de Volange, chère Marquise et semblait deviner mon questionnement… Et elle n’en a été que plus généreuse à me faire l’amour en bonne camarade et pour le seul plaisir de nos sens. 

Ma petite aventure répond-elle à vos attentes ? Et si vous-même vous vous prêtiez au jeu ?

Racontez-moi : quelle serait la soirée idéale que vous pourriez passer en ma compagnie ?.

LETTRE 6 :
ELLE

Mon cher ami.

Il me faut tout d’abord, vous remercier et vous féliciter.

Vous remercier d’avoir accepté de donner vie à mes folles envies.
Puis, vous féliciter pour la qualité de votre récit.

Vous m’avez transportée avec vous, et, à certains moments, je dois vous l’avouer, j’en ai perdu toute décence. J’ai envié cette femme. Je l’ai jalousée même, alors que c’est moi, qui vous ai poussé vers elle.

Vous me demandiez ce que j’imaginerai pour notre future rencontre. Justement, rien !
Tant je voudrais être remuée, bousculée, retournée, emportée très loin de mon quotidien.

Je veux être surprise, étonnée, époustouflée, même.

Faites moi perdre mes repères. Faites moi pleurer de plaisir. Redonner moi mes dix sept ans.
Faites moi croire que je suis une princesse, et vous,  le prince charmant de mes rêves d’enfants.

Et l’instant d’après, sachez être l’un de ces pirates, vampires, ogres ou autre loups qui emportent leurs proies au fin fond de leur enfer, pour les tourmenter.

Je veux l’impossible mon cher ami. Je veux le chaud et le froid. La douceur et la fermeté.

Je veux l’instant d’une parenthèse, être enchantée, et ne plus, toucher terre. Ne plus pouvoir discerner les hauts des bas. Perdre la notion du temps, du jour et de la nuit.

Je veux jouir de chaque pore de mon corps, et me confondre avec l’univers.

Saurez vous être, tour à tour, ce chef d’orchestre, metteur en scène, chorégraphe, marionnettiste qui me guidera vers ces mondes imaginaires où chacune peut se sentir reine d’un jour, à défaut de le devenir pour toujours ?

Osez me dire que vous sauriez être à ces hauteurs là, et moi, j’accepterai alors, d’ouvrir mes portes, de laisser mes remparts s’effondrer sous vos pieds, de m’abandonner et enfin, de me remettre entre vos mains...

A très vite. Ne me décevez pas.

 


Après cet échange de SMS :

LUI : « Bien reçu votre mail, je suis libre tous les soirs de la semaine »

ELLE : « ce soir : 22 heures rue de la fidélité ? si vous êtes perspicace, vous trouverez l’endroit…»

LUI : « J’ai toute la nuit pour vous, c’est entendu. »

 Vous vous êtes enfin rencontrés.


Lettre 7:

A toi que je peux enfin tutoyer, sache que j'ai encore la sensation de tes mains sur ma peau, de ta bouche gourmande sur mon sexe, de tes cheveux parfumés …

Nous avions rendez-vous à 22h Rue de la Fidélité, curieux choix pour notre première étreinte...

C’est en m’engouffrant dans cette rue, qui m’était jusqu’alors inconnue, que je découvris le lieu choisi par tes soins, « l’Hôtel Amour » dans lequel nous était réservée la chambre « 666 », appel du pied ou coïncidences ?

La rencontre de nos peaux n’aura pas seulement aboli la frontière du vouvoiement, elle aura fait s’écrouler les remparts de ta fidélité et démoli l’armure que je m’étais créée.  Elle aura aussi eu le mérite de dévoiler nos personnalités nocturnes, nos vices et envies, de ceux qu’on cache habituellement sous les couvertures.

Nos âmes plus que nos corps nus, sans détour.

Je fais appel à tous mes sens pour te garder encore un peu avec moi, refais ce chemin avec moi ma Magnifique.

Imagine à nouveau mes mains explorant ta peau constellée de grains de beauté, mes doigts pinçant doucement tes mamelons érigés, caressant ton ventre de sueur perlé…ma bouche se dirigeant vers ton sexe parfumé, caressant de ma langue, aspirant, suçant tes lèvres jusqu’à boire ton humidité naissante.

Le goût de ta peau sur mes lèvres, par la chaleur salée ; le goût de ton sexe sur ma langue, puissant et iodé ; le goût de tes baisers, mélange de métal et de plaisir vicié : un avant-goût de paradis, ou d’enfer...

Ferme les yeux et concentre toi, respire les effluves émanant de nos corps, le mélange de nos odeurs, parfums, phéromones et sueur se mêlant. L’odeur de sexe qui envahit la chambre, le stupre est définitivement mon parfum préféré.

Je me rappelle tes râles et tes cris s’entrelaçant, j’aime que tu exprimes ta jouissance sans retenue, primale…Oscillant entre couinements et feulements, passant de l’état de femme à animal.

Ma magnifique, l’impression d’avoir été puceau jusqu’à ta peau. Comme si avant toi aucune autre femme n’avait compté et pourtant je ne vais pas te mentir, j’en ai serré des femmes dans mes bras mais aucune ne m’a jamais fait un tel effet.

Comment avant tout cela, aurai-je pu imaginer qu’aussitôt cette nuit terminée, j’aurai déjà envie de recommencer ?

Alors, viens… contre tout, contre moi, convenons d’un nouveau rendez-vous, vite, que je retrouve tes bras.


Lettre 8 :

Cher amant, mon doux et cher amant d’ une nuit …en partant , j’ai, du regard embrassé la chambre pour voir si je n’oubliais rien. J’y ai croisé tes yeux . Tu étais toujours étendu sur le lit et j’ai compris que j’y abandonnais le plus important…


J’aurais voulu alors me souvenir de tout . Tout emporter avec moi de cette première fois qui resterait cependant la dernière.

Me souvenir du creux de ta nuque , là où les cheveux se font ras . Ce creux que je guette chez  tous les hommes mais qui chez toi me  bouleverse. Puits de douceur que mes lèvres ont épousé  parfaitement. Ta nuque, ma bouche chacune absolument à leur place .

Me souvenir de notre reflet dans le miroir dressé face au lit, à nos peaux incroyablement assorties, à nos corps  à la beauté barbare dansant une chorégraphie immémorielle.

Me souvenir de tes mains aux doigts experts dont j’ai compté chacun des noeuds afin de ne pas oublier le savoir qu’ils ont de moi .

Me souvenir de tous les  instants de cette nuit , de brutalité et de douceur , d’évidence et de surprise, du miracle qu’elle fût.

Me souvenir de la chance que j’ai eue de te rencontrer afin de supporter la tristesse que j’ai  déjà de te perdre .

Le matin en rampant apparait à la fenêtre . C’est le signal de ma fuite . L’heure de la fin du bal .
Je quitte tes bras comme une robe   de haute couture , tu es taillé sur mesure pour chacune de mes saillies , chacun de mes abysses.

C’est pour cela que cette nuit sera unique . Une autre fois et je ne pourrais le supporter . Je ne suis faite ni pour le mensonge ni pour l’excès de joie .  Avec toi je devrais me soumettre aux deux.

Mon corps a une résistance redoutable que mon cœur ne possède pas .

Comprends moi et  tout comme moi souviens toi de  l’aurore que fut cette nuit là, pour que rien ne l’obscurcisse. Jamais.


LETTRE 9

DEUX ANS ONT PASSÉ DEPUIS LA DERNIÈRE LETTRE…..


ELLE :

Bonjour mon tendre ami, ou plutôt bonne année.


Il aura donc fallu un réveillon du nouvel an pour que l’on se retrouve dans ce lieu où je t’ai vu pour la
première fois. Ce bar où j’avais juré de ne plus remettre les pieds, de peur de t’y croiser et d’être une
nouvelle fois tentée. J’avais enfoui en moi notre histoire, brulante et un peu folle, je lui avais bâti un
écrin tendre et chaud, convaincue de son caractère inédit, et j’avais pris soin de me tenir éloignée des
Deux Magots. Jusqu’à ce soir, où, baissant la garde, je me suis laissée guidée par un groupe d’amis en
ce lieu particulier.
Et à présent que je t’ai revu, que tu as posé ce baiser poli, mais si doux, sur ma joue, que tes yeux
m’ont faite rougir et que tes lèvres se sont approchées de mon oreille pour me glisser ces mots, ces
mots incandescents qui risquent de me suivre encore longtemps … : les deux années écoulées ont été
réduites à néant, ne laissant plus que les sensations intactes et terriblement précises de cette nuit avec
toi.
Troublée, j’ai prétexté une envie pressante et me voilà enfermée dans les toilettes à t’écrire une lettre
sur le dos d’une ordonnance médicale retrouvée au fond de mon sac.
Tu es à quelques mètres à peine, tu m’attends et j’ai une envie folle de te rejoindre, de presser ma
bouche contre la tienne et de te dire « viens on s’en va », de me laisser emporter dans un nouveau
vertige en me disant que ce sera la dernière fois. Si tu savais à quel point ta peau et ta voix m’ont
manqué…
Tu vois, ce désir que j’ai pour toi … Il m’effraie, il pourrait me faire faire n’importe quoi…
Il est 23h49, dans quelques minutes des cris retentiront un peu partout, les vœux d’usage seront lancés
d’un bout à l’autre du bar, et moi je suis en train de perdre tous mes repères.
Alors je t’ai faussé compagnie, il faut que je pose les choses par écrit, c’est ce que je fais quand je me
sens perdue…. Mais pour dire quoi cette fois-ci … ? Peut-être t’avouer à quel point notre rencontre a
marqué mon existence, à quel point je chérie ces heures passées avec toi, mais aussi te dire que je ne
mentirai pas une seconde fois à l’homme qui partage ma vie.
Les lendemains de fête, il arrive qu’on regrette certaine de nos actions. Demain, je regretterai peut-être
de ne pas avoir agi justement… Je ne sais pas.
Pour l’heure, ma meilleure amie tambourine sur la porte des WC en me demandant si tout va bien,
c’est elle qui viendra te remettre cette lettre, moi je serai déjà partie, en douce, avec mes désirs et mes
regrets, mais à peu près sûre d’avoir fait le bon choix.
Sache, mon tendre ami, que si tu ne peux pas avoir ta place dans ma vie, tu l’as assurément dans ma
tête


Lettre 10 

LUI :


D’abord, je n’ai pas compris : une inconnue qui me remet une prescription de paracétamol et de
gouttes pour les yeux un soir de nouvel an… Puis c’est en retournant l’ordonnance que j’ai pu lire ton
lettre et que j’ai su que je ne te reverrai pas. J’ai terminé mon verre ainsi que celui que je t’avais
commandé et je suis sorti des Deux-Magots. Piqué par le froid de décembre j’ai refermé ma veste, j’ai
regardé à gauche et à droite, mais impossible de te retrouver. Les trottoirs étaient bondés et la foule
criait déjà à tue-tête en regardant s’élever les feux d’artifice dans le ciel.


On avait changé d’année.

J’ai regardé les explosions colorées déchirer les ténèbres. J’avais pris nos retrouvailles (dans cet
endroit dans lequel je n'avais pas remis les pieds depuis des mois), pour un signe…


Te voir surgir ainsi au milieu des gens encore plus belle que dans mon souvenir. Les joues rosies par le
froid et ce sourire au lèvre… C’est fou comme le simple fait d’apercevoir une personne peut vous
remplir la poitrine d’une traite.


Mais je ne vais pas m’étendre sur mes sentiments. Sache d’ailleurs que ces mots que je t’ai soufflés à
l’oreille étaient pesés et sincères, l’alcool n’est pour rien dans cette confidence.
Sache aussi que je comprends les raisons qui t’ont fait quitter le bar. Cela ne fait que te rendre plus
belle à mes yeux .


Je trouve du réconfort en me disant que si nous avions vécu une histoire au long court nous nous
serions probablement lassés l’un de l’autre plus vite que nous l’aurions pensé. Je me dis que l’intensité
de notre aventure était due à sa brièveté et à son caractère secret. Je me dis qu’il faut savoir apprécier
ce que la vie nous offre et ne pas en demander plus.


Et je me dis que tout ça ce sont des conneries. Que notre histoire, si nous l’avions laissé exister, aurait
peut-être été dingue, follement intense… Peut-être aussi terriblement triste à sa fin…


Tu sais, j’ai un jardin secret, et voilà deux ans j’y ai planté la graine de notre aventure. Et la graine a
poussé, poussé. Aujourd’hui, c’est un arbre magnifique. Un arbre des possibles dont chaque branche
constitue ce qu’aurait pu être ma vie si je l’avais faite avec toi. Certaines versions de cette histoire
fantasmée sont décevantes, certaines autres sont très belles, inimaginablement belles même.


Je suis un incurable rêveur, et j’aime qu’on me raconte des histoires. C’est sans doute pour cela que je
suis libraire. Je ne te l’avais pas dit ? Je tiens la librairie « la Mauvaise réputation » à quelques rues des
Deux Magots. Si d’aventure, un jour, tu cherches une nouvelle histoire…


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MERCI !
Le concours est terminé mais nous allons mettre toutes les lettres sur une jolie page bientôt !
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